Opérer pour lutter contre les trafics de stupéfiants aux Antilles

Publié le 01/08/2023

Auteur : La Rédaction

Opérer pour lutter contre les trafics de stupéfiants aux Antilles Les opérations de lutte contre les narcotrafics impliquent tous les membres de l’équipage d’un navire. Du cuisinier au commandant adjoint opérations, en passant par l’opérateur SIC, ou encore le commissaire, les marins du Ventôse témoignent de leur expérience au cœur d’une mission risquée.

LV Thibault, chef du détachement hélicoptère

Lors d’une intervention, l’héli­coptère Panther permet de relo­caliser le bateau cible, et lorsque l’embarcation rapide est engagée, de la guider pour qu’elle puisse évo­luer de nuit, sans moyens lumineux afin de ne pas être repérée. Ma mission est alors d’étudier en lien avec le comman­dant adjoint opérations (Comops) et le com­mandant du Ventôse une idée de manœuvre pour conduire la mission. On va réfléchir au bon positionnement de la frégate, définir la quantité de carburant à mettre dans l’appa­reil, la zone dans laquelle chercher, les heures optimales pour faire les vols. Un mot d’ordre : s’adapter. Chaque intervention est différente. En janvier dernier, lors d’une intervention, l’embarcation suspecte, une tapouille, effec­tuait des manœuvres d’évitement dangereuses avec l’embarcation d’assaut. Nous avons dû réagir vite avec l’hélicoptère, un Panther, pour contraindre la route du bateau.

LV Thibault
LV Thibault
SM Julien, pilote d’embarcation rapide

Quand je pars pour une inter­vention, je suis déjà équipé (casque lourd, gilet pare-balles). Une fois l’embarca­tion à l’eau, je reviens sur le Ventôse, j’embarque l’équipe de visite avec moi et je suis aux ordres du chef de mission. Souvent les deux embarcations de la frégate de surveillance sont mobilisées. On va alors jusqu’à la cible désignée puis mon but est d’amener les membres de l’équipage sur celle-ci et de les ramener en un seul morceau. Lors de la dernière saisie début juillet, nous sommes intervenus, sans le détachement com­mando, à bord d’un voilier. C’était beaucoup d’adrénaline car j’ai la responsabilité du per­sonnel qui est avec moi. Quand on est venu sur le voilier, la route n’était pas adaptée. On a dû se reconfigurer. Ça a duré cinq secondes mais ce sont ces quelques secondes où il faut prendre rapidement une décision.

SM Julien
SM Julien
EV1 Matthieu, officier chef du quart

Il existe deux cas de figure. Lorsque nous sommes déclenchés suite à un ren­seignement, nous avons le temps d’établir une idée de manœuvre tactique avec le commandant et le commandant adjoint opérations. Dans le cas d’une embarcation sus­pecte repérée sur le plan d’eau, nous n’avons pas de préavis. Nous mettons alors à l’eau les embarcations le plus rapidement possible pour aller l’intercepter. Je me souviens d’un soir où j’étais de quart pendant le « zérac » (quart de minuit à quatre heures du matin). Vingt minutes après le début du quart, nous avons détecté au radar une embarcation à la dérive. Nous avons rapidement mis les embarcations à l’eau pour effectuer une visite. Résultat : 1 500 kg de marijuana et une dizaine de nar­cotrafiquants remis aux autorités judiciaires. C’était une situation stressante car le premier compte rendu de l’équipe de visite était : « Il y a des ballots partout, j’ai deux blessés et le bateau commence à couler. » Dans ces moments il faut savoir prioriser.

EV1 Matthieu
EV1 Matthieu
CR2 Corentin, commissaire et membre de l’équipe de visite

Tout le monde à bord est concentré sur le succès tactique de l’intervention. Mon attention se porte plus particulièrement sur l’après, avec la préservation de la légalité de notre action jusqu’à sa fin. Tout l’enjeu est de faciliter le travail du Parquet en se montrant irrépro­chables, car dans un cas de flagrant délit, les seuls levers accessibles à l’avocat de la défense seront le vice de procédure ou de forme et le respect des droits du prévenu. Au central opé­rations, je conseille le commandant pour la partie juridique et j’oriente à distance l’action du chef de l’équipe de visite. Mais quand l’en­quête de pavillon s’annonce compliquée, je fais partie de l’équipe de visite pour délester son chef de l’examen des documents, des échanges avec le capitaine et des tests sur les produits découverts.

En décembre, j’ai connu ma première opéra­tion fructueuse après plus d’un an à bord. En approchant, depuis notre embarcation rapide, j’ai vu des ballots tractés par l’arrière de la tapouille. Cette fois-ci c’était la bonne !

CR2 Corentin
CR2 Corentin
QM2 Edouard, opérateur SIC et membre de l’équipe de visite

Je suis chargé de gérer les échanges et le transfert d’infor­mations entre le bateau (le cen­tral opérations ou la passerelle), l’équipe de visite et l’hélicoptère. En tant qu’opérateur SIC je trans­porte beaucoup de matériel dans mon sac à dos : radios, téléphone satellitaire, transfert de fichiers via des réseaux sécurisés, moyens cryptés ou non… Il faut donc être très concen­tré car si je perds le contact par l’un des moyens de communication, je dois rapidement me reconfigurer et en utiliser un autre.

Je ne suis pas uniquement opérateur SIC mais aussi membre de la brigade de protection. Au même titre que les autres membres de l’équipe de visite, je peux être amené à procéder à des palpations de sécurité et des investigations. Je suis donc formé et entraîné avec les autres membres du groupe.

QM2 Edouard
QM2 Edouard
SM Jade, opérateur au Central opérations

À bord, je rédige « l’Ėventrep » « event report ». C’est une main courante qui recoupe les infor­mations provenant de la pas­serelle, du central opérations, de l’hélicoptère, de l’équipe de visite et du Centops à terre. J’écris tout le déroulé de l’intervention ligne par ligne : le décollage du Panther, la découverte à bord des stupéfiants et lorsqu’ils sont testés positifs. Cela permet de refaire le film a posteriori. On ajoute à ce document des photos du client et des ballots de drogue, mais aussi des carto­graphies avec plusieurs routes. Ce document nous sert notamment de retour d’expérience pour analyser les potentielles erreurs à ne pas reproduire.

Au central opérations, tout le monde est concentré sur le navire suspect, cherche à savoir où il est, où on doit aller. Quand on sait qu’il y a des ballots de drogue, et que l’équipe monte à bord il y a un silence pesant en atten­dant le premier compte rendu de l’équipe de visite. Ce sont des moments intenses, tout le monde retient son souffle, on est suspendu aux éléments du chef de l’équipe de visite.

SM Jade
SM Jade