Îles Kerguelen : sept marins au pays des manchots

Publié le 04/04/2024

Auteur : La rédaction

150 000 : ce n’est pas le nombre d’habi­tants de l’archipel des Kerguelen mais celui de la plus grande colonie de manchots royaux au monde. Une biodiversité riche et variée qui peuple ces îles aux paysages volcaniques à couper le souffle. « C’est un environne­ment reculé du monde. Une chance inespérée aussi pour nous marins de découvrir d’autres métiers et de nous rapprocher de la faune et de la flore. Cela change des navires et bases militaires. »

Parmi la cinquantaine de per­sonnes travaillant sur la station de Port-aux- Français, sept marins sont affectés sur ce territoire surnommé « îles de la Désolation », dans les Terres australes et antarctiques Françaises (TAAF). Il s’agit de trois cents îles au total couvrant une superficie de 7 215 km2, découvertes en 1772 par l’amiral français Yves-Joseph de Kerguelen, seigneur de Tré­marec. Le maître (MT) Tom, manoeuvrier, le maître Steve et le premier maître (PM) Ugo, tous deux mécaniciens navals, accompagnent des scientifiques de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) et des agents du service de la direction de l’environnement des TAAF sur une île au sud du golfe du Mor­bihan*, à ne pas confondre avec son homo­nyme situé en Bretagne. Ici, à environ 13 000 kilomètres des côtes bretonnes, les marins évoluent à l’aide de leur chaland. Une fois sur la presqu’île Ronarc’h, le travail débute par la pose de balises sur les éléphants de mer, et se poursuit par des analyses de sang sur les manchots, la surveillance de la régu­lation d’espèces introduites (rennes, chats, lapins). Jusque-là, le PM n’aurait jamais imaginé assister des scientifiques dans leurs missions « Avant mon premier hivernage, je n’étais pas vraiment tourné vers la nature, mais depuis mon passage dans les TAAF, je suis plus attentif à l’impact de notre mode de vie sur l’environnement. » C’est tout l’intérêt d’une telle mission, effectuée à des milliers de kilomètres de la base navale de Brest. Pour chaque expédition terrestre, trois personnes a minima sont nécessaires afin de garantir la sécurité de tous dans des lieux difficiles d’ac­cès. « Lors des transits, qui varient entre 17 et 25 kilomètres, nous transportons des affaires et du matériel sur le dos. Cela complique la marche car nous devons parfois traverser des rivières, des petites montagnes, des zones humides », complète le premier maître.

L’AFFAIRE DE TOUS

Le petit nombre de marins présents dans la station oblige chacun à endosser plusieurs rôles pour contribuer à la vie en collectivté. Le MT Michaël et le PM Fabien, tous deux électriciens, et les trois mécaniciens, le PM Ugo, le MT Steve et le MT Chloé, s’assurent du bon fonctionnement des groupes électro­gènes pour alimenter la base en électricité. Le PM Nicolas, marin-pompier, contribue, quant à lui, à la sécurité sur la station. Des civils et des militaires de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air et de l’Espace entre­tiennent les routes, s’occupent de la distribu­tion d’eau ou encore des liaisons de télécom­munications.

PORTER ASSISTANCE À TOUS LES BATEAUX

Les marins des Kerguelen apportent leur assistance aux bateaux de pêche qui s’aven­turent dans cet archipel isolé : les ravitailler en combustible, effectuer un remorquage lors­qu’il s’agit d’un voilier en panne ou encore inspecter leur coque et retirer des lignes de pêche prises dans les hélices grâce aux deux marins plongeurs de bord. Ces derniers entretiennent aussi les points de mouillage et retirent les laminaires qui poussent devant le quai, rendant le passage des bateaux difficile. Le Floréal et le Nivôse passent parfois dans cette réserve naturelle pour des contrôles de police des pêches et pour montrer la présence française dans ces îles. Les marins des Kergue­len en profitent pour ravitailler ces frégates de surveillance en gazole et prolonger leur capa­cité à patrouiller plus loin et plus longtemps. Six mois après avoir quitté l’Hexagone pour l’hémisphère sud, les marins entrent dans la période d’hivernage. Le nombre d’habitants sur l’île se réduit encore comme peau de cha­grin. Plus isolés encore, les sept marins vont poursuivre leur exploration des îlots des Ker­guelen et de leur incroyable biodiversité avant de laisser leur place à de nouveaux occupants en août prochain.