Capitaine de corvette Christophe Humbert, à la tête de l’entraînement physique militaire et sportif
Publié le 13/09/2024
Il y a vingt ans, il participait aux Jeux Olympiques d’Athènes. En tant que membre de l’équipe de France de judo dans la catégorie des moins de 90 kg. Cet été, l’ancien double champion de France et d’Europe (2005) arbore désormais quatre galons dorés sur sa veste bleu marine. à la tête de l’entraînement physique militaire et sportif dans le Marine, c’est côté gradins que le capitaine de corvette Christophe Humbert vibrera avec les marins sélectionnés pour les Jeux de Paris.
Cols bleus : Quel est votre rôle à la tête de l’entraînement physique militaire et sportif (EPMS) de la Marine ?
Capitaine de corvette Christophe Humbert : Je suis en quelque sorte le pilote de domaine. Mon rôle : appliquer la politique sportive de la Marine décidée par le chef d’état-major, gérer ses ressources, financières et humaines (mutations des moniteurs de sport, formations). Je dépends du bureau condition du personnel militaire (CPM) de la direction du personnel de la Marine (DPM).
C. B. : Quelle est aujourd’hui cette politique sportive ?
CC C. H. : La Marine évolue dans un monde incertain. Elle doit faire face à des menaces plus fortes ainsi qu’à des contextes d’engagement opérationnel qui se durcissent. Pour la réussite de la mission, la capacité opérationnelle du combattant et l’adéquation de la préparation physique et mentale des équipages au combat sont donc plus que jamais primordiales. La Marine doit disposer d’équipages jeunes, aguerris et résilients. Chaque marin, quel que soit son grade et le poste tenu, est susceptible d’être déployé sur un théâtre d’opération, et donc soumis à l’obligation de maintien en bonne condition physique.
C. B. : Quels sont les équipements mis en place pour faire du sport sur les bâtiments ?
CC C. H. : La Marine propose des modules compacts qui permettent la pratique du sport même en période embarquée et sur des bâtiments de petite taille. Du matériel d’haltérophilie, de quoi faire du cross-training (tapis, élastiques, cordes à sauter…), des barres de traction. Des vélos elliptiques sont installés dans les coursives, les hangars… jusque dans les sous-marins. Ils sont découpés en morceaux puis soudés à bord.
C. B. : Y a-t-il des référents sport à bord de tous les bâtiments ?
CC C. H. : Chaque équipage possède un officier chargé des sports, en quelque sorte notre correspondant. Il fait surtout le point sur le matériel manquant et nous transfère les besoins de l’équipage. Sur les porte-hélicoptères amphibies (PHA) et le porte-avions (PA), un entraineur est affecté et fait partie de l’équipage. Les autres unités peuvent faire appel à notre bureau pour que leur soit mis pour emploi un moniteur EPMS le temps d’une mission par exemple.
C. B. : Que conseillez-vous aux marins embarqués pour rester en forme ?
CC C. H. : Ils peuvent télécharger nos routines sur les plateformes institutionnelles. Lorsqu’il n’est pas possible de courir (comme sur le pont des PHA et du PA), il faut entretenir son système cardio-vasculaire en faisant du vélo et/ou du rameur. Il est primordial de muscler les membres inférieurs en faisant du gainage, des abdominaux, toute la ceinture lombaire est à privilégier car les problèmes de dos sont légion, surtout chez les sous-mariniers.
C. B. : Quels sont les sports faciles à pratiquer en mission ?
CC C. H. : Le cross-training a clairement la cote en ce moment ! C’est une forme d’entraînement intense fondée sur des mouvements fonctionnels. Les séances d’entraînement comprennent des variations de squats, de pompes et de levées de poids effectuées pendant une durée déterminée pour développer la masse musculaire. Cela ne nécessite pas une grande plage horaire (30 à 45 min), ce qui les rend facile à intégrer dans un planning de marin embarqué.
C. B. : Quelles sont les conclusions en matière sportive de l’audit sur la Marine réalisé en avril dernier ?
CC C. H. : L’audit de l’Inspection de la Marine nationale (IMN) évoque la place de l’EPMS dans la Marine nationale et la façon dont nous devons le remettre au centre du parcours des marins. Grâce au sport, ils seront mieux dans leur peau, dans leur tête et dans leur travail au quotidien. Tout est lié et cette variable ne doit pas être un ajustement. Le sport fait partie de notre ADN.
C. B. : Le contrôle de la condition physique du militaire est un outil de mesure… pourquoi est-il important de le passer ?
CC C. H. : C’est l’unique indicateur mis en place par l’état-major des armées car il est simple à exécuter. Cela permet d’obtenir une cartographie immédiate de la condition physique du marin. Actuellement, 60 % des marins se présentent aux tests sportifs, c’est trop peu ! 20 % sont inaptes mais il reste 20 % de marins qui ne les font pas, or n’oublions pas que c’est obligatoire. Pour le réussir, un marin doit atteindre un score de 31/60. Notre objectif est que près de 100 % des marins aptes atteignent ou dépassent ce score. En travaillant avec les écoles et la DPM, en montrant au marin qu’il peut avancer plus vite en grade s’il est bon en sport, nous espérons obtenir des résultats intéressants.
C. B. : Que proposez-vous pour encourager les marins à passer leurs CCPM ?
CC C. H. : Passer ses CCPM est devenu une sanction. Ce n’est pas le cas. Les marins peuvent venir se tester dans les bureaux EPMS, même s’ils ne sont pas prêts. Les moniteurs se feront un plaisir de les accompagner et de leur proposer des programmes d’entraînement pour arriver à un niveau satisfaisant. Nous nous adaptons en fonction du champ de compétence de chaque marin. Tout le monde doit faire du sport mais le curseur n’est pas le même pour un fusilier marin ou un gestionnaire.
C. B. : Comment réussir à maintenir les marins en forme ?
CC C. H. : Si le commandant d’une unité pratique lui-même du sport régulièrement, c’est gagné ! Il doit être intimement persuadé que plus son équipage sera en forme, plus il améliorera le rendement de son bâtiment et des missions. Je suis conscient de la charge de travail qui leur incombe, mais il faut accepter de perdre du temps à court terme pour rendre les marins plus efficaces.
C. B. : Quelles valeurs rassemblent les sportifs de haut niveau et les marins ?
CC C. H. : Les couleurs de l’Institution. Nous nous battons pour une mission qui nous tient à cœur. Quand j’étais judoka, ma mission, même si je ne l’appelais pas ainsi, était d’être champion olympique, d’Europe, du monde. Quand vous arrivez sur un navire et dans une unité, l’objectif est aussi d’être le meilleur, de défendre les valeurs de la Marine qui deviennent les vôtres. Il faut se dépasser et prouver à l’Institution, et à soi-même, qu’on en est capable. Nous pouvons tous donner le meilleur de nous-même si nous sommes convaincus que la mission qui nous a été confiée est la bonne.
C.B : Qu’attendez-vous des Jeux ?
CC C. H. : J’espère que les marins s’identifieront aux quelques sportifs de haut niveau de la Défense participant aux JO. Charline Picon, par exemple, en est à sa cinquième sélection à des Jeux Olympiques, qui plus est, en changeant de support (elle est passée de la planche à voile RS : X au 49er FX). Avec une bonne préparation, un entraînement sérieux, de la volonté et une équipe solide derrière soi, on met toutes les chances de son côté et le rêve devient possible. Personnellement, j’espère que mes amis décrocheront des médailles et que l’équipe de France olympique rayonnera et nous ramènera des médailles.
Bio express
2004 : champion d’Europe par équipe, catégorie moins de 90 kg, puis membre de l’équipe olympique aux JO d’Athènes
2005 : champion de France, puis d’Europe, catégorie moins de 100 kg
2006 : 3e place aux championnats du monde par équipe
2007 : rejoint la Marine en tant qu’officier sous contrat
2008 : membre de l’équipe olympique aux JO de Pékin
2012 : affecté au CNSD (Centre national des sports de la Défense) à Fontainebleau.
2016 : officier EPMS au Pôle Écoles Méditerranée (PEM)
2019 : officier EPMS de l’arrondissement maritime Méditerranée
2020 : chef de la section EPMS