Île Longue : savoir réagir aux agressions radiologiques, biologiques et chimiques

Publié le 05/11/2024

Auteur : ASP Clémence de Carné

Le 20 septembre 2024, l’exercice Oriao Deimos a simulé une agression de type radiologique, biologique et chimique (RBC) lors de l’appareillage d’un sous-marin de la base opérationnelle de l’île Longue. Les marins ont pu tester leur procédure en termes de renseignement, prévention, détection et réactions face à ce type de menace.

« Une attaque RBC menace le dispositif d’escorte rapprochée d’un sous-marin. » Le scénario évoque un film d’action à grand budget. Les moyens déployés sont impressionnants : 300 marins au total sont impliqués (le service des moyens portuaires de Brest, la base navale de Brest, la base opérationnelle de l’île Longue, les états-majors de la zone maritime Atlantique et de la force océanique stratégique, une compagnie des fusiliers marins, une compagnie des marins-pompiers et les deux équipages d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins). La formule retenue pour cet exercice ordinairement organisé par la Marine deux à trois fois par an est inédite.

La première phase de l’exercice commence, la tension est palpable à l’annonce de la menace. Des marins prennent les premières mesures de prévention, tandis qu’une équipe adapte la ventilation du sous-marin en mode plongée, et que d’autres s’équipent : combinaison de protection, appareils respiratoires, gants… La base navale de Brest se métamorphose.

Deuxième phase, l’exercice se durcit, l’attaque est caractérisée. Les unités passent en ambiance RBC : le périmètre est restreint à la zone touchée, la nature de l’attaque est identifiée et l’ensemble des unités d’intervention revêtent la tenue RBC. Les marins en dehors du périmètre sont confinés dans les bureaux. Une cellule de crise et un commandement spécifique sont mis en place pour traiter la menace. En dépit de l’attaque, l’appareillage du sous-marin doit se poursuivre, les marins s’activent aux postes de manœuvre. Bientôt, l’unité précieuse s’éloigne ; l’opération est un succès.

Dans un contexte de montée en puissance et de reconquête de nos capacités, ce type d’exercice va être étendu à des missions interarmées et interalliées comme Polaris ou Orion, afin d’entraîner et aculturer les marins aux agressions RBC.

Trois questions au contre-amiral Cédric Chetaille
Adjoint au sous- chef d’état-major opérations de l’état- major de la Marine, autorité de coordination défense- sécurité

Cols bleus : Les agressions de type radiologique, biologique et chimique (RBC) sont-elles de plus en plus fréquentes ?

Contre-amiral Cédric Chetaille : Oui, les exemples ne manquent pas dans l’actualité opérationnelle. Il y a une utilisation de la menace RBC au moins dans la dialectique des autorités officielles, pas encore sur les champs de bataille. Mais je pense aussi aux empoisonnements d’Alexeï Navalny, de Sergueï et Ioula Skripal, ou encore aux laboratoires chimiques militarisés par DAESH, qui avaient été découverts en Syrie. En France, les services de sécurité intérieure nous font remonter l’existence de courriers, contenant de la poudre, qui représentent des menaces d’empoisonnement à l’encontre de personnalités publiques.

C. B. : Pourquoi la Marine doit s’entraîner à faire face à ce type de menace ?

CA C. C. : Les marins doivent se préparer à un durcissement opérationnel même si les indices sont faibles. La menace est toujours active, un mode d’action assez simple avec un drone qui saupoudrerait une substance sur une installation militaire est plausible. Si la Marine n’est pas préparée à ce genre de menace, l’unité visée serait paralysée et rendue inopérante pour une durée significative. L’effet s’en trouverait alors démultiplié.

C. B. : Quels ont été les points forts et les lacunes des marins lors de l’exercice ?

CA C. C. :L’exercice est un succès, le sous-marin a pu appareiller sous menace puis en ambiance RBC. Les points forts ont été l’entraînement individuel et l’organisation robuste et adaptée. La marge de progression concerne les délais de la mise en œuvre, la rapidité et la gestion des flux. L’une des lacunes est de sous-estimer l’importance du domaine. Avant, seuls les marins déployés en zone PMO pouvaient se sentir concernés, mais aujourd’hui le niveau de la menace est réévalué.