Anticiper les menaces - Des marins au cœur de la transformation de l’OTAN

publié le Mardi 25 juillet 2023

Anticiper les menaces - Des marins au cœur de la transformation de l’OTAN

Anticiper les menaces - Des marins au cœur de la transformation de l’OTAN

© Marine nationale

Nation membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), la France est particulièrement représentée au commandement allié à la transformation (ACT). Créé il y a vingt ans, cet état-major de l’OTAN est actuellement commandé par le général d’armée aérienne Philippe Lavigne.

À Norfolk, sur la côte Est des États-Unis, 21 marins français y sont affectés. Leurs missions : anticiper les menaces et développer les capacités futures de l’OTAN.

Au cœur de la base américaine, après avoir traversé une place où flottent les 31 drapeaux des nations de l’OTAN, c’est au 4e étage du bâtiment principal que l’on retrouve le capitaine de frégate Aurélie, en pleine discussion avec ses homologues alliés. Elle occupe le poste d’analyste dans le domaine de la prospective stratégique depuis un an. Sa mission consiste à étudier l’état du monde et ses évolutions pour définir les nouvelles capacités de défense à mettre en œuvre. En s’appuyant sur les retours d’expérience des pays de l’Alliance, elle anticipe l’environnement dans lequel les forces vont opérer, les challenges à venir et leur impact dans le domaine militaire. Objectif : garder l’avantage. Le CF Aurélie étudie notamment la situation de la Chine. Récemment créée au sein de la branche Strategic Foresight, sa cellule publiera prochainement une première synthèse sur les évolutions de la stratégie chinoise : « Les informations actuelles nous servent d’indicateur. On lit la presse, des sources ouvertes, on se base sur des données concrètes et vérifiées », précise-t-elle.

Agir pour le futur

Supériorité cognitive, influence, résilience. Des impératifs avec lesquels doivent composer les militaires d’ACT. Localisé au sein de l’université Old Dominion, au sud de Norfolk, l’Innovation Hub contribue au développement des capacités futures à travers l’innovation et l’expérimentation. Créé en 2012, cet espace de collaboration unique au sein de l’OTAN s’appuie sur un réseau de 4 000 membres regroupant des universitaires, chercheurs et start-ups. Les projets, réalisés entre six et douze mois, portent sur des domaines variés, du renseignement à la lutte anti-mines. « Nous proposons des solutions clés en main aux nations et des connexions avec des acteurs innovants », détaille le lieutenant de vaisseau Mélodie, responsable de projets à l’Innovation Hub. Dernièrement, un challenge de l’innovation s’est tenu au Danemark sur l’Arctique. Pendant plusieurs semaines, des acteurs civils se sont penchés sur le besoin opérationnel dans la région pour proposer aux nations de développer des systèmes innovants.

Pour agir sur la transformation de l’OTAN et apporter une valeur ajoutée au combattant au profit du commandement allié aux opérations (ACO), les marins sont intégrés, de la création de concepts jusqu’au développement des capacités de défense de demain. Le capitaine de vaisseau Patrick, directeur de cabinet du général chargé du développement de ces capacités, coordonne l’activité quotidienne de cette grande division regroupant la moitié du personnel de l’état-major. « Pour mener à bien cette mission, trois notions sont centrales. Tout d’abord l’inter- opérabilité. Pas seulement technique ou techno- logique, c’est une interopérabilité de l’emploi. C’est faire en sorte qu’au premier jour de guerre sur le terrain, il y ait une connectivité absolue entre les nations déployées et l’OTAN. »

Les nations doivent également être en accord quant au financement de ces capacités. Si la dépense est jugée éligible, alors les capacités sont développées en financement commun. Ce ne sont pas moins de 30 programmes qui sont développés dans ce cadre-là. Et enfin, l’innovation déjà citée précédemment.

Wargaming et cyberespace

Pour conserver l’avantage, il ne faut pas attendre d’avoir les capacités militaires de demain, « il est indispensable également de développer et transformer celles d’aujourd’hui en s’appuyant sur l’expérimentation et l’innovation », assure le général d’armée aérienne Philippe Lavigne, commandant suprême à la transformation de l’OTAN. Le wargaming est un domaine porteur, essentiel à la transformation. Au travers des jeux de stratégie, les nations testent des capacités et des comportements par des mises en situation. Cela permet de prendre de la distance sur certaines opérations et de reproduire des situations opérationnelles : « Il faut avoir les moyens de pouvoir se tromper et apprendre très vite de ses erreurs », ajoute le général.

Le cyberespace, quant à lui, est un domaine d’opération très actuel. Plus que jamais, les cyberattaques sont une réalité. Les opérations cyber sont ainsi au cœur du mandat de défense de l’OTAN et leur intégration dans les opérations multimilieux est une priorité. Le capitaine de corvette Anne-Charlotte travaille au quotidien sur les besoins de l’Alliance dans le cyberespace : « Imaginer qu’une force adverse puisse prendre le contrôle de notre navire n’est pas envisageable. Il est essentiel de garder la main en tout temps sur nos systèmes d’armes et nos moyens de communication ».

Les marins d’ACT occupent des fonctions clés au sein de l’OTAN pour renforcer les capacités de défense de l’Alliance et anticiper les défis futurs. Un défi en soi, d’autant qu’ils œuvrent sur des domaines d’opérations aussi divers que complexes. Des postes stratégiques avec une grande diversité d’emplois et de responsabilités.

EV2 Margaux Bronnec

ACT et ACO : quelles différences ?

ACT et ACO sont tous deux des commandements de l’OTAN avec des rôles bien différents. Le commandement allié à la transformation (ACT) est responsable de la transformation et du développement capacitaires de l’Alliance. Cette entité est dirigée par le général français Philippe Lavigne et est basée à Norfolk, en Virginie, aux États-Unis. Le commandement allié aux opérations (ACO) est, quant à lui, chargé de la conduite des opérations militaires de l’OTAN. Dirigé par un général américain, il est basé à Mons, en Belgique.

DES POSTES STRATÉGIQUES !

Des marins témoignent...

LV Mélodie, responsable de projets au sein de l’Innovation Hub

« À travers l’innovation, j’accompagne la transformation digitale de l’OTAN. Je travaille avec plusieurs nations alliées, des universitaires et des équipes de développeurs. Ici, je suis en charge de plusieurs projets et ces derniers permettent de développer les capacités de défense de l’Alliance. Nous nous inspirons beaucoup des méthodes de travail issues des start-up. Cette diversité et cette ouverture en font un poste atypique et passionnant. »

PM David, travaille pour la NCIA (agence SIC de l’OTAN) à Norfolk

« Je travaille pour l’agence informatique de l’OTAN. Je suis administrateur système. Je m’occupe des mises à jour des logiciels, de sécurité, des antivirus. J’ai également créé des scripts pour récupérer la validité des certificats de sécurité des sites, il y en a plus de 300 à gérer. Cela m’a valu d’être élu “military member of the year”. Je n’ai fait que mon travail, mais ce genre de reconnaissance fait partie de la culture américaine. C’est un poste très intéressant car les moyens et la façon de travailler sont différents et enrichissants. »

CC Anne-Charlotte, en charge de la prospective des capacités de l’OTAN dans le cyberespace

« Le cyberespace est un milieu opérationnel au même titre que les milieux aérien, terrestre, maritime et spatial. Pour cela, j’étudie les évolutions technologiques ainsi que les menaces cyber dans le but d’avoir un coup d’avance sur l’adversaire. Je suis également en contact avec le centre opérationnel qui me précise ses besoins en matière de cyber. Je détermine ensuite quels sont les moyens nécessaires à la défense de nos champs de bataille virtuels et physiques. »

Anticiper les menaces - Des marins au cœur de la transformation de l’OTAN

Source : Marine nationale