Sélection pour le « Secours en milieu périlleux et montagne »

Publié le 01/01/2024

Auteur : La rédaction

Le soleil n’est pas encore levé qu’une quinzaine de marins-pompiers de Marseille patientent déjà devant une barrière don- nant accès au Parc national des Calanques, dans le secteur de Marseilleveyre. Revêtus d’une tenue de sport bleue et blanche du bataillon et lestés d’un sac de 15 kilos, ils aspirent tous à intégrer la section opération- nelle spécialisée « Secours en milieu périlleux et montagne» (SOS SMPM) du bataillon de marins-pompiers de Marseille. Cette section d’élite, spécialisée dans le secours à la personne dans des environnements complexes (calanques, ports, façades d’immeubles lorsque l’évacuation est impossible par l’intérieur…), organise sa première épreuve de sélection, la marche lourde.

Les encadrants de la SOS SMPM, reconnaissables à leurs hauts rouges, expliquent le déroulé de l’épreuve du jour : 16 kilomètres et 1500 mètres de dénivelé à travers le Parc national des Calanques, réputé pour ses chemins escarpés et très techniques. Pas de chronomètre mais un impératif : chacun doit donner le meilleur de soi-même pour montrer sa capacité à parcourir ces reliefs complexes lors d’une opération de secours.

Le maître principal Julien, adjudant de la section, pèse les sacs des candidats les uns après les autres. Souriant, il explique la raison de ce lest : « En intervention, vous devrez parfois marcher plusieurs heures, chargés de matériel d’escalade et de secours, jusqu’aux victimes isolées. » Une légère appréhension se lit sur les visages des 16 femmes et hommes qui s’apprêtent à s’élancer. De matelot à enseigne de vaisseau, toutes et tous ont préparé cette sélection pendant des semaines, voire des mois. Certains ont intégré le bataillon avec cet objectif en tête : pas question de flancher le jour J. Top départ ! La file de marcheurs s’étire en silence le long d’un sentier étroit, qui ne tarde pas à se transformer en pierrier raide. Les encadrants de la SOS sont répartis le long de la colonne, afin d’observer l’évolution des candidats et de s’assurer que la marche se déroule en toute sécurité. Cette première ascension, abritée du vent, laisse entendre le souffle des participants.

Quelques brèves portions d’escalade et quelques bons « raidards » plus tard, le groupe a enfin le droit à une courte pause. Le vent se lève et offre aux candidats déjà transpirants un point de vue changeant sur Marseille et la côte, avec un beau mélange de soleil et de nuages.La descente voit les premiers écarts se creuser : portions glissantes, pierriers, descentes de rochers avec des mains courantes… tous n’ont pas la même aisance dans les parties techniques. L’esprit de compétition n’empêche pas l’entraide : s’ils savent qu’ils doivent être mieux classés que leurs camarades à la fin des épreuves, ces jeunes marins-pompiers n’en oublient pas pour autant l’esprit d’équipage, valeur cardinale de l’unité. Un mot d’encouragement, une main tendue pour passer un rocher, une indication pour trouver les encoches où poser le pied sur une paroi, une portion un peu plus plate courue côte à côte permettent de tenir l’effort. Les encadrants expérimentés glissent par-ci par-là des conseils aux petits groupes, tels des guides de montagne.

Deuxième pause. 1 h 30 de marche, les visages commencent à être creusés. Chacun avale une barre de céréales, quelques fruits secs et un peu d’eau avant de repartir. La mer est juste là, à quelques mètres, et on aperçoit au loin des criques naissantes, plus escarpées que cette portion de sentier côtier. Un second maître, candidat pour la première fois, explique que « la préparation, c’est beaucoup de course à pied. Du cardio, de la randonnée pour s’habituer aux calanques, aux cailloux ». Certains connaissent le secteur par cœur. Avantage non négligeable.

 "ON REPART ET ON NE S’ARRÊTE PAS JUSQU’AU BOUT"

Montée, descente, montée, descente, sentiers étroits ou flancs de falaises, les premières crampes apparaissent. Les vagues s’éclatent en contrebas, le vent qui forcit ajoute de la difficulté. La moitié du parcours est à peine avalée qu’une montée sèche fait éclater le groupe. Certains ont quitté leur garde de 24 h en caserne à 7 h le matin même pour venir à cette sélection et sentent la fatigue les envahir. L’encadrant qui ouvre la voie arrête le groupe au sommet, au kilomètre 9 : « C’est la dernière pause. Buvez un coup, mangez un morceau. Après ça, on repart et on ne s’arrête pas jusqu’au bout. Soyez vigilants aux bifurcations, assurez-vous que le camarade derrière a bien vu quel chemin prendre. »

Aussitôt dit, aussitôt fait : un groupe de tête se forme immédiatement, d’autres se remettent péniblement en marche. Le maître principal Julien commente avec son œil expérimenté : « La marche ne veut pas tout dire. On peut avoir un candidat qui survole la marche, et qui sera beaucoup moins à l’aise sur les épreuves d’agilité. Et le jour où vous avez besoin de compter sur un équipier à l’aise sur une portion d’escalade, ça compte ; ce qu’on observe, c’est l’attitude globale, la sérénité que va dégager le candidat sur l’ensemble des épreuves. » Une portion roulante donne un peu de répit aux organismes. Des petits groupes se constituent : les compagnons de circonstance sont importants. Les habitués du parc naturel savent qu’une montée redoutable les attend au-dessus de la calanque de Podestat. Vu d’en bas, ce juge de paix ressemble à un mur de pierres instables, pris entre deux sommets. De temps à autre, on entend quelqu’un crier « cailloux ! », suivi d’un éboulis dont on cherche à se préserver.

La respiration saccadée, les mains sur les genoux, le regard tantôt fixé sur le pas d’après, tantôt levé vers le col, chacun puise dans ses réserves en sachant que c’est précisément dans ces difficultés que la différence peut se faire. L’aisance des encadrants dans ces portions pourrait avoir quelque chose de frustrant, mais les candidats restent focalisés sur leur marche : dans quelques semaines, ce sera potentiellement eux.

Par groupes de deux ou trois, les candidats relancent dans une descente roulante mais trop courte : la dernière difficulté du jour est un nouveau mur. L’un d’eux fixe le sommet et souffle : « On va y aller. C’est parti, allez ! » avant de se relancer, déterminé. En se retournant vers la vallée, on distingue à peine les silhouettes blanches et rouges parsemées au milieu des rochers et de la végétation. Puis réapparaît Marseille, au-dessus de la crête rocheuse, avant la dernière descente.

Il faudra plus d’une heure pour que tous les candidats arrivent, un par un ou deux par deux, à la barrière où débutait la boucle. Épuisés, fiers pour certains, frustrés pour d’autres, ils savent qu’il faut se reposer et reconstituer ses forces pour vite se remobiliser : la seconde partie de la sélection les attend dès le lendemain matin. Agilité sous forme d’escalade et échanges avec les encadrants de la SOS compléteront la sélection : dans quelques semaines, les heureux élus seront formés pour intégrer les équipes opérationnelles de cette section emblématique du bataillon.