ALFAN : le vice-amiral d’escadre Christophe Cluzel

Publié le 01/12/2023

Auteur : La Rédaction

Commandant de la force d’action navale (FAN) depuis le 1er août, le vice-amiral d’escadre (VAE) Christophe Cluzel a auparavant dirigé le groupe aéronaval (GAN). Il a reçu Cols bleus à l’état-major de Toulon.

COLS BLEUS : Amiral, vous avez pris le commandement de la FAN cet été,succédant à l’amiral Xavier Baudouard. Quel était votre souhait en arrivant ?

VICE-AMIRAL D’ESCADRE CHRISTOPHE CLUZEL : À ma prise de fonction, j’avais une vision très claire des enjeux de la force d’action navale, au sein de laquelle j’ai servi pendant la majorité de ma carrière. Je l’ai retrouvée il y a trois ans en prenant mes fonctions à FRMARFOR (force maritime française de réaction rapide). La priorité absolue aujourd’hui est de préparer la FAN à la haute intensité car l’hypothèse d’un conflit symétrique devient de plus en plus probable. C’est ce besoin qui a orienté mes décisions jusqu’à aujourd’hui. Pour atteindre cet objectif, j’ai fixé trois lignes directrices.

Premièrement, nous devons transformer la FAN en une force de pointe capable de faire face aux défis actuels. Notre flotte doit s’adapter pour conserver la supériorité tactique en opération.

Deuxièmement, nous devons être plus attractifs pour pouvoir garder nos marins plus longtemps, leur donner envie d’avoir envie comme le dit si bien le chef d’état-major de la Marine (CEMM). La Direction du personnel de la Marine (DPM) fait un travail formidable dans ce sens, nous le déclinons également à notre niveau, avec des leviers toujours plus nombreux, pour que la gestion soit adaptée et individualisée à chaque marin. Enfin, l’efficience doit être une priorité. La FANrallieactuellementsonformatparlebas. C’est-à-dire que nous disposons de moins de bateauxalorsquelesbesoinsopérationnelsne cessent de croître. Nous devons trouver des leviers pour répondre à ces besoins.

CB : Pouvez-vous détailler les leviers qui vous permettront d’atteindre cet objectif d’efficience ?

VAE CC : J’en compte trois principaux. Le premier est la simplification et la subsidiarité, deux principes qui permettent de libérer les énergies.

Nous devons simplifier la comitologie, les procédures administratives, organiques ou de soutien pour que nos équipages puissent se concentrer sur la priorité, le combat naval. Nous devons aussi gagner en subsidiarité, pour ne pas saturer nos équipages par le haut et que tous les échelons de réflexion puissent être mobilisés.

Le second est l’optimisation de l’emploi de la donnée. Nous avons commencé à équiper nos bateaux de data hubs embarqués, le premier à avoir été doté d’un tel système est la Provence. Nous devons accélérer l’exploitation des infor- mations recueillies par nos senseurs grâce à des applications qui fonctionnent avec un peu d’intelligence artificielle. Pour développer cela, nous nous appuyons sur le centre de service de la donnée Marine, qui fonctionne un peu comme une start-up. L’objectif est de chercher en permanence à accélérer le processus décisionnel, en traitant mieux et plus vite la donnée afin d’être plus efficace que l’adversaire.

Le dernier levier est celui de la dronisation, déjà bien avancée dans le domaine de la guerre des mines. Mais la dronisation doit aller plus loin, rapidement, que ce soit en surface, dans les domaines aériens ou sous-marins. C’est une révolution majeure en matière capacitaire mais également tactique, que nous devons intégrer dans nos modèles.

CB : Comment intégrez-vous les objectifs du plan Mercator au sein de la FAN ?

VAE CC : La dynamique portée par Mercator tire la Marine vers le haut. La FAN y contribue résolument en assumant ses responsabilités. Nous avons développé le concept POLARIS, qui révolutionne très sensiblement la manière dont nous nous préparons au combat naval. Pour dynamiser la réflexion tactique dans notre préparation à l’engagement symétrique, nous misons à la fois sur la liberté tactique donnée aux deux forces égales qui vont s’af- fronter, pour développer les forces morales, nous adoptons des règles d’exercice hyper réalistes. La finalité, c’est d’être capable de prendre l’initiative, ce qui impose aussi de faire évoluer notre système de commande- ment, en privilégiant l’intention à la gestion.

CB : Dans quel état d’esprit êtes-vous quatre mois après votre prise de fonction ?

VAE CC : Je ne vois que du positif. Je m’appuie sur des équipages déterminés, investis dans la préparation au combat et sur une force dont les savoir-faire sont reconnus par tous nos partenaires, également connus de nos compé- titeurs. À titre d’exemple, les unités de la FAN ont été récompensées trois années consécu- tives par le « Hook ’Em award», distinction américaine créée en 1975 qui distingue les unités les plus performantes en matière de lutte anti-sous-marine.

Afin que les expériences et les bonnes pratiques des uns et des autres profitent au plus grand nombre, j’ai souhaité que soient mis en place des retours d’expérience en boucle courte. À leur retour de mission, les comman- dants et les équipages sont invités à présenter leurs enseignements tactiques devant la force, mais également avec nos camarades sous-ma- riniers, de l’aéronautique navale ou de la force des fusiliers marins et des commandos. C’est le moyen le plus efficace pour que la force devienne une force apprenante, foisonnante d’idées, afin de pousser l’innovation techno- logique et tactique.

Enfin la force est soudée derrière ce drapeau chargé d’histoire que le ministre des Armées m’a confié peu après ma prise de commandement. Un drapeau que nous avons déjà présenté aux équipages à Toulon, Brest et Cherbourg, et qui embarquera sur la mission Jeanne d’Arc pour rejoindre l’outre-mer.

Il fédère des équipages très différents puisque la FAN compte aussi bien les goélettes que le porte-avions (PA). Très différents, mais tous déterminés à être dignes de leurs anciens.

CB: Comment intégrez-vous les objectifs du plan Mercator au sein de la FAN ?

VAE CC : La dynamique portée par Mercator tire la Marine vers le haut. La FAN y contribue résolument en assumant ses responsabilités. Nous avons développé le concept POLARIS, qui révolutionne très sensiblement la manière dont nous nous préparons au combat naval. Pour dynamiser la réflexion tactique dans notre préparation à l’engagement symétrique, nous misons à la fois sur la liberté tactique donnée aux deux forces égales qui vont s’af- fronter, pour développer les forces morales, nous adoptons des règles d’exercice hyper réalistes. La finalité, c’est d’être capable de prendre l’initiative, ce qui impose aussi de faire évoluer notre système de commande- ment, en privilégiant l’intention à la gestion.

CB : Dans quel état d’esprit êtes-vous quatre mois après votre prise de fonction ? VAE CC : Je ne vois que du positif. Je m’appuie

sur des équipages déterminés, investis dans la préparation au combat et sur une force dont les savoir-faire sont reconnus par tous nos partenaires, également connus de nos compé- titeurs. À titre d’exemple, les unités de la FAN ont été récompensées trois années consécutives par le « Hook ’Em award», distinction américaine créée en 1975 qui distingue les unités les plus performantes en matière de lutte anti-sous-marine.

Afin que les expériences et les bonnes pratiques des uns et des autres profitent au plus grand nombre, j’ai souhaité que soient mis en place des retours d’expérience en boucle courte. À leur retour de mission, les comman- dants et les équipages sont invités à présenter leurs enseignements tactiques devant la force, mais également avec nos camarades sous-mariniers, de l’aéronautique navale ou de la force des fusiliers marins et des commandos. C’est le moyen le plus efficace pour que la force devienne une force apprenante, foisonnante d’idées, afin de pousser l’innovation techno- logique et tactique.

Enfin la force est soudée derrière ce drapeau chargé d’histoire que le ministre des Armées m’a confié peu après ma prise de commandement. Un drapeau que nous avons déjà présenté aux équipages à Toulon, Brest et Cherbourg, et qui embarquera sur la mission Jeanne d’Arc pour rejoindre l’outre-mer.

Il fédère des équipages très différents puisque la FAN compte aussi bien les goélettes que le porte-avions (PA). Très différents, mais tous déterminés à être dignes de leurs anciens.

CB : Vous-même, amiral, vous déplacez- vous beaucoup dans vos nouvelles fonctions?

VAE CC : J’embarque le plus possible pour être au contact des équipages. C’est essentiel pour partager mon intention et mes priorités, pour mieux comprendre la réalité des pontons et pour « prendre le pouls» de la FAN. Je me suis également rendu à Djibouti fin novembre et j’irai à la Réunion et à Mayotte au printemps prochain. Mes adjoints iront quant à eux en Guyane, aux Antilles, à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, j’ai déjà rencon- tré mes homologues italien, espagnol, portugais à l’automne, et britannique en décembre. Au premier semestre 2024, ce sera au tour des Grecs et des Américains.

CB : Pouvez-vous nous faire un point sur les échéances capacitaires de la FAN ?

VAE CC : La FAN regroupe 96 bâtiments et 114 équipages (10500 marins), les trois groupes de plongeurs démineurs, quatre centres experts, la flottille amphibie, la Force aéronavale nucléaire (FANU) et les huit bases navales outre-mer et à l’étranger. D’ici à 2030, la FAN aura un visage complètement différent de celui qu’on lui connaît aujourd’hui. La dernière frégate multi-missions (FREMM), la Lorraine, vient d’être admise au service actif. Le bâtiment ravitailleur de forces (BRF) Jacques Chevallier entreprend actuellement son déploiement de longue durée. Son potentiel militaire est extraordinaire : il double la capacité d’un bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) en intégrant les retours d’expérience. Il possède une modularité formidable qui permet d’imaginer son emploi dans un large spectre de missions. J’aimerais rajeunir de 20 ans pour me préparer à le commander !