Récit graphique : Le Vigilant de Titwane et Raynal Pellicer

Publié le 24/10/2024

Auteur : Nathalie Six

Ils sont connus et respectés comme le loup blanc. Après la brigade de répression du banditisme, la brigade criminelle et la brigade de protection des mineurs pour lesquels ils ont reçu, entre autres, le 24e prix France Info de la bande dessinée d’actualité et de reportage, Titwane armé de son crayon et de son pinceau, et Raynal Pellicer, bardé de son dictaphone, ont investi le territoire marin. En 2020, ils ont croqué le porte-avions Charles de Gaulle ; cette année c’est au tour du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Vigilant d’affronter leur regard acéré. Une immersion plus vraie que nature de toute beauté, par les lauréats 2024 des Galons de la BD.

Cols bleus : Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur un sous-marin ?

Raynal Pellicer : Après notre livre sur le Charles de Gaulle, nous cherchions une autre idée d’immersion, toujours un lieu interdit au public. Après la démesure d’une ville sur l’océan, nous voulions l’exact opposé : relater un huis-clos dans une boîte noire sous l’eau. Nous avons envoyé un courrier au SIRPA Marine (service d’information et de relations publiques de la Marine) puis à la FOST (force océanique stratégique) et après plusieurs mois d’attente – il faut être patient avec la Marine! (rires) – nous avons reçu l’autorisation de monter à bord d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins. Le graal!

C. B. : Quelles sont les règles auxquelles vous avez dû vous conformer ?

R. P. : Il y avait deux conditions à notre embarquement : que nous gardions confidentielle la date, et que le nom du SNLE soit dévoilé au dernier moment. À bord, j’ai pu emmener un appareil photo (essentiel pour le travail de Titwane qui ne m’a pas accompagné), un enregistreur numérique, un disque dur et un ordinateur. Mais j’ai dû laisser mon téléphone à Brest.

C. B. : Titwane, n’est-ce pas trop frustrant de ne pas vivre l’aventure en binôme ?

Titwane : J’accompagne rarement Raynal sur le terrain. C’est notre manière de fonctionner, je dessine tout à partir de ses photos. Cela me permet de garder une distance et de conserver un regard neutre sur le sujet. Raynal a tendance à s’intégrer « trop » vite (rires), au point qu’il finit par acquérir le jargon des personnes qu’il côtoie. Je suis aussi son premier lecteur.

C. B. : Est-ce compliqué de dessiner des gens que vous ne connaissez pas ?

T. : Il est assez difficile de dessiner quelqu’un sans connaître sa démarche ni sa voix. J’imagine les gens et parfois j’ai de grosses surprises. Pour un précédent livre sur la Brigade criminelle, je me souviens d’un inspecteur de police à la carrure impressionnante qui avait en réalité une voix très douce. Cela m’a surpris lorsqu’il est venu me voir en dédicace.

C. B. : Quelle est votre méthode de travail ?

T. : Raynal fait toujours les choses parfaitement. Une fois revenu à terre, il a sélectionné et classé les photos qu’il a prises durant son embarquement. Dès que je dessine une page, je la lui envoie. J’ai mis sept mois pour ce livre, à un rythme très soutenu; je n’avais pas le choix, si nous voulions sortir le livre le 26 septembre.

C. B. : Qu’avez-vous voulu raconter ?

R. P. : Nous faisons du récit graphique avec beaucoup de verbatim. C’est un travail de reportage : nous le construisons en fonction de ce que nous voulons montrer. Le choix de tel ou tel membre d’équipage répond à cette volonté d’expliquer les missions d’un SNLE et sa vie à bord. Le livre est très utile aux marins eux-mêmes qui ont parfois du mal à restituer ce qu’ils ont vécu à leur famille et amis.

C. B. : Raynal, quel a été votre pire moment dans le sous-marin ?

R. P. : Bizarrement, le premier soir ! J’ai ressenti un moment de détresse face aux conversations très techniques des sous-mariniers. Ils sont en général mécaniciens, ingénieurs ou de spécialité nucléaire, tout un monde dans lequel je suis un béotien. Ma crainte de ne pas comprendre s’est avérée infondée.

C. B. : Et le meilleur moment ?

R. P. : Quand le commandant m’a invité à regarder dans le périscope. Une expérience d’initié !

 

Le Vigilant, texte de Raynal Pelliceret et dessins de Titwane

Éditions de La Martinière, 192 p., 26,50€

Plongée imminente au coeur du SNLE Le Vigilant