Aéronautique navale 1940 - Premier bombardement sur Berlin

publié le Mardi 06 juin 2023

 Aéronautique navale 1940 - Premier bombardement sur Berlin

Aéronautique navale 1940 - Premier bombardement sur Berlin

© Marine nationale

Dans la nuit du 7 au 8 juin 1940 la capitale du IIIème Reich connait sa première alerte aérienne. Les usines Siemens, situées dans la banlieue nord de la ville viennent d’être bombardées par un avion appartenant à l’aéronautique navale française, un Farman 223.4 commandé par le capitaine de corvette Henri Daillière et appartenant à l’escadrille E5 stationnée à Lanvéoc-Poulmic.

Les Farman 223.4 ont été construits en 3 exemplaires. Ils étaient destinés aux liaisons postales transatlantiques d’Air-France. Sortis des chaines d’assemblages en 1939, ils ont été rapidement mobilisés. Destinés à l’armée de l’air, elle ne les a finalement pas retenus pour servir de bombardiers car trop lents pour opérer sur le front. La Marine ayant besoin d’appareils de patrouilles maritimes afin de repérer les cuirassés allemands Graf Von Spee et Admiral Scheer qui attaquaient les convois commerciaux dans l’atlantique, les trois appareils lui sont affectés. Il s’agit des Farman 223.4 baptisés :   Camille Flammarion, Le Verrier et Jules Verne. Une fois la menace des cuirassés allemands dans l’atlantique éliminée, il est envisagé d’employer ces appareils pour mouiller des mines ou effectuer des bombardements dans le golfe de Botnie situé entre la Finlande et la Suède et par où transitent les minéraliers chargés d’approvisionner l’Allemagne en fer. L’offensive allemande commencée le 10 mai 1940 vient perturber ce projet. Les Farman 223.4 sont mis à disposition du grand quartier général (GQG) de l’armée de l’Air afin d’effectuer des bombardements sur les arrières de l’ennemi.

Premiers bombardements

Pour effectuer des missions de bombardements ou de mouillage de mine les appareils ont été modifiés. Les réservoirs sont passé de 14 000 à 18 000 litres. Les avions n’ayant pas de soute a bombe, des lance-bombes ont été fixés sous le ventre des appareils. Ils peuvent emporter sous leurs ailes deux bombes de 450 kg ou 8 de 200 kg s’ajoute à cela 80 bombes incendiaires ou explosives de 10 kg devant être larguées manuellement depuis la porte. Pour l’autodéfense, une mitrailleuse de 7,5 mm est enfin installée. Compte tenu de ces modifications les appareils ne peuvent que rarement dépasser les 200 km/h, il leur sera difficile d’échapper à la chasse allemande, raison pour laquelle ils sont recouvert d’une peinture sombre car ils effectueront leurs missions de nuit. Le 10 mai, seul le Jules Verne est prêt. Le 13 mai 1940 à 19H30, l’appareil décolle de Lanvéoc pour sa première mission de bombardement, objectif : la gare de triage d’Aix la Chapelle. Afin d’échapper à la DCA et à la chasse allemande Il n’est pas question de faire route directement vers l’objectif. Après avoir survolé Brest, direction le nord du cotentin, puis la Manche et le Pas-de-Calais. L’appareil franchit la côte entre Ostende et Nieuport. Il traverse toute la Belgique en diagonale pour atteindre son objectif vers minuit. Le retour est effectué selon le même itinéraire. A 04H00 il se pose à Lanvéoc après un vol de 1700 km. A sept reprise au cours du mois de mai le Jules Verne renouvela ces opérations sur Aix-la-Chapelle, Anvers, la digue de Walcheren et sur le terrain d’aviation de Flessingue.  Le 3 juin 1940 la Luftwaffe bombarde pour la première fois Paris. Les états-majors français cherchent à rendre la pareille aux allemands, pas pour changer le cours des opérations mais pour tenter de relever le moral du pays.

Direction Berlin !

Le 6 Juin l’équipage du Jules Verne reçoit l’ordre de gagner l’aéroport de Mérignac à proximité de Bordeaux. La piste, plus longue que celle de Lanvéoc devant lui permettre de décoller à pleine charge. Le 7 à 15H30 l’avion, surchargé, décolle difficilement. A bord, le capitaine de corvette Daillière commande la mission. L’enseigne de vaisseau Comet est navigateur, le premier maître Yonnet pilote, le maître Corneillet est le mécanicien du bord, le maître Scour, radio et le second maître Deschamps mitrailleur et bombardier. Se joint à l’équipage le lieutenant de vaisseau Menvielle en provenance de l’amirauté, c’est lui qui a préparé la mission. L’appareil fait route au nord, passe au-dessus de Ouistreham, remonte la manche, le pas de calais, la mer du nord. Il survole ensuite le Danemark, la baltique et entre en Allemagne en survolant Rostock. Berlin n’est plus qu’à 40 minutes de vol. Conforté par le fait que les ministres Nazis Goering et Goebbels avaient promis que Berlin ne serait jamais bombardée, la surveillance allemande ne s’alarme pas et prend le Jules Verne pour l’un de ses patrouilleurs. L’avion français se présente devant l’aéroport militaire de Tempelhof dont tous les feux sont allumés. Pour pénétrer l’espace aérien de la ville le pilote simule une panne puis un atterrissage raté. L’appareil est maintenant à cent mètres d’altitudes au-dessus de la ville toute illuminée sans avoir déclenché l’alerte. Il survole plusieurs fois la même zone en désynchronisant ses moteurs pour donner l’impression qu’il s’agit d’une escadrille au complet puis fonce vers sa cible : les usines Siemens situées dans la banlieue de la capitale du IIIème Reich. Cinq grosses bombes et l’ensemble des bombes incendiaires à main sont larguées au premier passage. Un deuxième est nécessaire pour livrer les 3 dernières bombes placées sous le ventre de l’appareil. La défense aérienne s’est réveillée, la ville s’éteint et les projecteurs de lutte anti-aériennes cherchent le Jules Verne. Le pilote manœuvre en tous sens, piqués, virages serrés, manœuvres aléatoires et échappe ainsi aux tirs des canons et des mitrailleuses anti-aériennes. L’équipage doit maintenant parcourir plus de 800 km au-dessus d’un territoire contrôlé par l’ennemi car il a juste assez de carburant pour rallier directement l’aérodrome d’Orly au sud de Paris où il se pose à 6H45 le 8 juin 1940. Après une courte escale pour faire le plein, le Jules Verne décolle à nouveau pour rallier Lanvéoc. Le jour même un communiqué officiel de l’amirauté française déclare : « Une formation de l'aéronautique navale a bombardé des objectifs militaires à Berlin». Avant la signature de l’armistice le Jules Verne effectuera encore quelques bombardements : sur les usines Heinckel, à Rostock, des dépôts pétroliers près de Venise et la base navale italienne de Livourne. L’appareil, rendu à Air France après la fin des combats ne recevra jamais d’autorisation allemande pour effectuer des vols commerciaux. Il périt dans un incendie sur l’aérodrome de Marignane.

 Aéronautique navale 1940 - Premier bombardement sur Berlin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Aéronautique navale 1940 - Premier bombardement sur Berlin

Source : Marine nationale