Le groupe aéronaval, un outil gradué

Publié le 27/11/2024

Auteur : La rédaction

Interallié et intégré : le groupe aéronaval est une série d’engrenages complexes, un outil exigeant permettant une démonstration de force aux effets décuplés. Outil de combat naval, il offre une capacité de projection de puissance sur toutes les mers du globe et vers la terre. Sa crédibilité, fruit de dizaine d’années d’expériences opérationnelles et de coopération avec nos alliés, rassure et stimule tandis qu’elle décourage ses compétiteurs.

« Outil d’agilité stratégique », le GAN possède de nombreux atouts : il est à la fois un facteur de supériorité opérationnelle en mer, moyen de projection de puissance de la mer vers la terre, et un élément de la « grammaire nucléaire » grâce à la force aéronavale nucléaire (FANU). Sa résonnance politique est alors immédiate, elle s’est en particulier illustrée durant la Guerre froide. Dans les années 90 (crises d’ex-You­goslavie et du Kosovo), la France et ses alliés emploient le GAN dans « un rôle de projection de puissance en tirant parti de la liberté d’accès, alors incontestée offerte par la haute mer », écrit le capitaine de vaisseau (CV) Thibault Lavernhe. « Ce cycle est aujourd’hui refermé, ouvrant la voie à une reconfiguration du rôle du GAN. » Les conflits actuels (guerre en Ukraine, conflit entre le Hamas et Israël) débordent en mer (attaque des Houthis en mer Rouge) et ont des conséquences sur la sécurité maritime. Ils constituent une menace majeure pour la stabi­lité et la sécurité de l’Europe. La France, puis­sance d’équilibres et acteur militaire de pre­mier plan, peut déployer le GAN aux côtés de ses alliés de la Méditerranée centrale et jusqu’en Indopacifique pour défendre ses intérêts et sa souveraineté. D’un point de vue géostratégique et politique, participer à un GAN, pour des marines partenaires, est un signal fort.

Vers le 5ème âge du combat naval

La numérisation grandissante des conflits à l’échelle mondiale a fait basculer le com­bat naval vers un 5e âge qui est celui de la robotique (théorisé par le CV Lavernhe et le capitaine de frégate Corman***). Ce nouveau contexte induit « une transformation du groupe aéronaval vers une configuration en réseau, ce qui entraîne des conséquences opérationnelles substantielles », écrivent le CC Cyril et le LV Clément, dans leur essai qui a remporté le prix Amiral Castex 2024. « Par réseau, il faut com­prendre une force qui a la capacité d’agréger des moyens traditionnels (porte-avions, frégates, aéronefs habités) et des drones de différentes natures en s’appuyant sur l’intelligence artifi­cielle et les outils de traitement de la data pour comprendre, proposer et décider. Le GAN pensé comme un système, s’impose alors comme la capacité à projeter loin et longtemps un réseau complexe pour obtenir un large panel d’effets tactiques et stratégiques ».

Comment est composé le GAN ?

Sa composition change en fonction des besoins de la mission, mais il s’appuie sur un socle composé d’un porte-avions, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des bâtiments de lutte anti-sous-marine et de défense aérienne, un bâtiment ravitailleur, avec un groupe aérien embarqué et un état-major embarqué. « C’est un groupe cohérent, poursuit l’amiral Mallard, maintenu et agrégé autour de son capital ship, le porte-avions, pour pro­duire des effets en remplissant des missions ordonnées à plus haut niveau. » S’y intègre la force aéronavale nucléaire et des escorteurs étrangers . Le GAN, ce sont aussi près de 3 000 marins embarqués.

Un large spectre de missions

  • Connaître et anticiper : grâce à ses nombreux capteurs, le GAN possède une large capacité autonome d’acquisition et d’analyse du renseignement.
  • Prévenir : par sa simple présence dans une zone de crise, le GAN permet d’affirmer le soutien politique de la France, sans contrainte géographique.
  • Influencer : le GAN pèse politiquement grâce à sa projection de puissance.
  •  Protéger : du territoire national, en interdisant ou réglementant l’accès à une zone hauturière ou littorale. Sa capacité à maîtriser des espaces aéromaritimes lointains lui permet de protéger nos lignes de communications maritimes.
  •  Intervenir : outil privilégié de projection de puissance, le GAN est capable d’intervenir tôt dans les crises : frappes sur des objectifs en profondeur (missiles de croisière, bombes guidées), soutien aux forces à terre, compréhension du théâtre (nombreux capteurs de renseignement), commandement tactique, etc.
  • Dissuader : le GAN peut mettre en oeuvre l’arme nucléaire aéroportée en offrant la possibilité d’une montée en puissance ostensible et graduelle.

Tactique : Agir vite et fort

Le GAN est un outil militaire de premier ordre au plan tactique. Son principal atout ? « Sa flexibilité ». Polyvalence, sou­plesse et résilience sont en effet les trois grands facteurs d’adaptation du GAN, qui lui per­mettent de répondre parfaitement à un envi­ronnement évolutif.

Polyvalent, il est le « lieu de la liaison des armes », selon la formule chère à l’amiral Cas­tex. Cette alliance de capteurs et d’effecteurs permet de produire des effets variés dans tous les milieux et champs (terrestre, maritime, aérien, informationnel et électromagné­tique), et ainsi de répondre à une multitude de sollicitations. Cette diversité des moyens qui aboutit à une grande variété d’effets est la clef d’une grande souplesse. La mobilité du GAN lui permet d’opérer une bascule d’ef­fort entre théâtres, autorisée par la liberté des mers et une autonomie en termes de com­mandement. Agile dans ses déplacements, le GAN peut intervenir sans empreinte au sol et se reconfigurer rapidement.

Résilient, enfin, il peut durer sur un théâtre sans dépendre de contraintes logistiques locales. Le GAN français bénéficie en outre d’une moderni­sation de ses capacités (arrivée des frégates mul­ti-missions en 2016, des SNA de type Suffren en 2022, du nouveau bâtiment ravitailleur de force en 2024 et modernisation des frégates de défense aérienne dans quelques années). Cette autono­mie logistique lui permet de durer à la mer.